En limitant son postulat à la trappe mystérieuse qui compose la cave de sa maison principale, Incroyable mais vrai enferme ses personnages dans un dispositif diabolique qui change le réalisateur en moraliste soucieux de regarder de haut, et avec distance, tout son petit personnel dramatique s’agiter dans la médiocrité du monde contemporain. La quête d’une jeunesse éternelle, la foi aveugle en la technologie pour améliorer les performances individuelles et conserver cette virilité de verge tant célébrée aujourd’hui… Ces thématiques composent une forme de memento mori, au sein duquel Alain Chabat serait le sage philosophe qui modère ses ions et ses désirs, ne se souciant que du jour présent.
C’est dire que Quentin Dupieux, dont le geste artistique est constamment situé par ses soins du côté de la création brute pure, à la façon de l’automatisme de la pensée des surréalistes, se heurte cette fois à une mainmise sur les dialogues, sur l’évolution narrative, sur le cadre et les musiques empruntées à une composition déjà existante. Il y a quelque chose de terriblement contradictoire dans la démarche du réalisateur, qui exhibe ici les limites de son cinéma, ou plutôt les limites de son système fermé à la critique et à l’analyse en ce qu’il se prétend hors-jeu, constamment inconscient, inaccessible, alors qu’il est tout le contraire : conscient, construit, minutieusement construit. La jouissance verbale mute en complaisance dans la vulgarité, avec une représentation des classes moyennes frôlant l’indigence – nous avions déjà subi l’accent « ch’ti » d’Anaïs Demoustier dans Au Poste ! pour susciter l’hilarité, nous la retrouvons perruquée guère plus distinguée…
Les références au cinéma de Luis Buñuel aggravent encore le diagnostic d’un long métrage qui cite, se cite et se mure dans son tunnel par conviction que le génie niche là. Alain Chabat erre dans ce dédale de miroirs en se reposant sur ses acquis ; il maintient néanmoins une forme de sincérité et de lucidité précieuse, hilarant parle décalage qu’il introduit avec son entourage. Un film à l’image de la pomme utilisée : une belle apparence, malheureusement pourrie de l’intérieur, qui regarde ses personnages tomber non sans une certaine complaisance.