Jessie
Ah, j'avais longtemps espéré cette adaptation. Tiré d'un roman de Stephen King au succès mitigé (on est bien loin du consensus Misery), Jessie était un thriller minimaliste plutôt corsé qui parvenait...
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le 30 sept. 2017
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Ce n’est pas le plus connu, ce n’est pas le plus maîtrisé, ce n’est peut-être même pas le plus marquant, et pourtant Jessie occupe une place charnière dans l’œuvre de Mike Flanagan. Le roman de Stephen King qu’il adapte, réputé inadaptable, reflète les obsessions de Flanagan : le deuil, l’enfermement, la mémoire traumatique, tout en les poussant vers une forme de radicalité formelle. Le film est à la fois trop et pas assez : trop pensé, pas assez rêvé. Trop démonstratif, pas assez organique.
Dès l’ouverture, quelque chose sonne faux, ou plutôt… théâtral. Non pas dans un sens noble mais dans celui, plus incertain, d’un dispositif qui grince, d’un pacte fictionnel qui hésite à s’assumer. Une femme menottée à un lit après un jeu sexuel interrompu par la mort subite de son mari : on pourrait y croire si le film y croyait lui-même. Mais quelque chose cloche. Pas dans l’idée, brillante sur le papier, mais dans son exécution. Le danger, au lieu d’être tapi, semble chorégraphié. Le chien errant qui rôde, le cadavre au sol, les chaînes qui coupent la peau : tout cela devrait créer l’urgence, mais on y voit surtout les ficelles. Le film montre le trauma, mais l'expose comme un cas clinique.
Flanagan tente alors d’habiter son discours par le recours à la dissociation. Deux figures de Jessie apparaissent : l’une résignée, l’autre combative. Ce jeu de miroirs internes, qui aurait pu être vertigineux, devient vite discursif. C’est là que le film commence à trop parler, à trop s’expliquer. La parole intérieure, au lieu d’ouvrir l’espace, le referme. Elle déplie des thèses, clarifie des enjeux. Et ce faisant, elle annule le tremblement. Flanagan veut trop guider. Il veut que l’on comprenne.
Et pourtant, le film regorge de fulgurances visuelles. Il y a la lune rouge. Il y a ce chien. Il y a Moonlight Man. On se prend à rêver, un instant, que le film bascule dans le pur onirisme, qu’il s’arrache à son script pour devenir cauchemar. Mais Flanagan revient toujours à la parole, à l’explication, à la rationalisation du monstre.
Il y a pourtant, dans le cœur battant du film, un motif obsédant : celui du lit. Ce lit conjugal, prison, cellule de mémoire. C’est là que Jessie revit l’inceste, l’humiliation, l’effacement de soi. Ce n’est plus un meuble, c’est un palimpseste. Flanagan y concentre ses obsessions : le corps ligoté, la psyché dissociée, la famille comme lieu d’horreur. Mais le film est précieux précisément parce qu’il trébuche. Parce qu’il échoue à incarner ce qu’il touche du doigt.
Jessie est un film malade, au fond. Mais malade de cette maladie noble des œuvres trop pleines, trop conscientes d’elles-mêmes, trop soucieuses de bien faire. C’est une œuvre frontière, à la lisière de la maîtrise et de la perte de contrôle. Un échec précieux, parce qu’il expose sans fard ce que le cinéma de Flanagan contient de plus vif.
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