Charlie Chaplin dirige Marlon Brando. L'un des réalisateurs les plus connus au monde (à défaut d'être un des meilleurs) fait jouer le plus génial acteur américain. Rien que cet argument justifie de voir le film, même s'il jouit d'une mauvaise réputation (en partie justifiée, même s'il est meilleur que d'autres réalisations de Chaplin, comme Le Roi à New York ou Monsieur Verdoux).
C'est incontestablement un vaudeville, avec personnages cachés dans les armoires, déguisements, un pyjama pour deux et autres petits mensonges de ce genre. Brando y interprète un ambassadeur sur un paquebot reliant Hong Kong aux USA. Dans sa chambre se cache une agère clandestine, Natascha (Sophia Loren), ancienne aristocrate russe (ou prétendue telle) devenue prostituée de luxe à Hong Kong. Elle souhaite immigrer clandestinement aux USA.
Mais comment cacher sa présence dans une cabine exiguë où entrent sans cesse les deux assistants de l'ambassadeur, sa femme, son domestique, le capitaine de bord et quelques autres employés du bâteau ?
Il est surprenant de constater que les meilleurs gags du film sont muets. Chaplin a toujours été mal à l'aise avec le parlant ; c'est avec le parlant que son niveau a baissé inexorablement. Ici aussi, il ne maîtrise pas les dialogues (trop longs, sans intérêt, bavards et ne faisant jamais avancer quoi que ce soit). Par contre, les personnages se jetant tous dans la salle de bain pour se cacher dès qu'on frappe à la porte, ça fonctionne toujours. Chaplin reste un cinéaste muet.
Sa direction d'acteurs est, là aussi, un grand gâchis. Les personnages sont statiques, figés. Dans un huis clos, ça devient vite lourd.
Par contre, ce que Chaplin sait toujours faire, c'est teinter ses comédies d'amertume. Ce film se termine sur un faux happy end. Tout semble rentrer dans l'ordre, mais il se dégage du tout une petite émotion, en arrière-plan. C'est subtil, mais on retrouve là toute l'intelligence et la sensibilité du cinéaste.
De plus, ce thème du ager qui veut aborder aux USA rappelle furieusmeent L'Emigrant, court métrage qu'il avait réalisé presque 50 ans plus tôt. Sa sympathie pour les exclus, les rejetés de la bonne société, s'exprime ici à nouveau, pour la dernière fois, à travers ce personnage de Natascha.
Chaplin reste Chaplin. Film méconnu, sous-estimé sûrement, même s'il n'est pas à la hauteur des grands chefs d'oeuvre muets.