Quand Maria et Christian Bodin débarquent à l’écran, on sait qu’on va rire. Mais avec Les Bodin’s partent en vrille, le duo dée la simple farce : il signe une comédie généreuse, profondément humaine et même étonnamment engagée. En effet, derrière chaque éclat de rire, il y a un coup de griffe. Contre les usines qui remplacent les fermes, les normes absurdes, les politiques qui parlent « circuits courts » en signant des chèques aux multinationales. C’est drôle, mais ça pique. Et c’est ça qui fait du bien.
Le film suit Maria et Christian Bodin, le duo infernal de la ferme familiale de Pouziou-lès-trois-Galoches, qui font face à Mondolactia, une entreprise voulant installer une usine de fromage industriel dans leur village. Ce qui aurait pu être une simple comédie potache devient une satire acérée. Maria, avec son franc-parler légendaire, et Christian, son fils aussi maladroit que touchant, mènent un combat pour sauver leur petit coin de ruralité. Leurs aventures : une virée au Salon de l’agriculture, un voyage chaotique au Maroc, des confrontations avec des décideurs arrogants sont autant de prétextes pour dénoncer l’hypocrisie d’un système qui sacrifie les petits producteurs au nom du « progrès ».
Les Bodin’s ne sont pas des héros lisses : Maria est aussi revêche qu’une porte de prison, Christian accumule les bourdes, mais leur humanité transparaît dans chaque scène. Même dans le désert, sous 40 degrés, ils chialent, s’engueulent, se soutiennent. Et nous, spectateurs, on les adore. Avec ses héros hauts en couleur et son humour, le film ne se contente pas de critiquer l’industrie agroalimentaire, il montre comment les villages se vident, comment les fermes disparaissent, et comment ceux qui restent résistent avec l’énergie du désespoir.
Le rire, bien sûr, est au cœur du film. Les gags s’enchaînent à un rythme fou : des quiproquos au salon de l’agriculture, une course-poursuite en dromadaire, des dialogues en patois savoureux. Mais jamais l’humour ne sert de cache-misère. Il amplifie le message, comme quand Maria ridiculise un lobbyiste avec une logique implacable ou quand Christian, malgré ses maladresses, finit par marquer des points contre des élites déconnectées. Et contrairement au précédent volet en Thaïlande, où l’exotisme prenait parfois le dessus, ici, le voyage au Maroc a un véritable sens.
Les acteurs sont évidemment excellents. Vincent Dubois et Jean-Christian Fraiscinet jouent Maria et Christian depuis près de 30 ans, et cela se sent : leurs gestes, leurs silences, leurs cris sont une partition rodée. Les seconds rôles, comme le maire déé ou l’activiste idéaliste, apportent une touche de nuance, évitant que le film ne tourne à la caricature totale.
Les Bodin’s partent en vrille, c’est la meilleure version des Bodin’s. Plus mordant, plus touchant, plus furieux aussi. Le film parle de tous ceux qui se battent pour des valeurs simples : un fromage authentique, un village vivant, une terre préservée. Si vous aimez les Bodin’s, foncez. Si vous ne les connaissez pas, laissez-vous surprendre : c’est drôle, rageur, et terriblement humain. On sort de la salle avec les zygomatiques en compote, mais aussi avec l’envie de boycotter les supermarchés et d’aller serrer la main à son agriculteur local.
Pour conclure, je dirais que contrairement à l’image « beauf » que pourrait laisser craindre son univers et son humour débridé, Les Bodin’s partent en vrille évite soigneusement la caricature bête et méchante des ruraux et de leur mode de vie. Le film ne se contente pas de gags potaches ou de stéréotypes campagnards : il utilise l’humour comme un outil pour questionner des enjeux profonds. C’est donc un film bien plus profond et intelligent qu’il n’en a l’air en plus d’être le meilleur opus des Bodin’s (au cinéma comme à la télévision).