Love on Trial
6.1
Love on Trial

Film de Kōji Fukada (2025)

A Star Is Morne

Les spectateurs se rendant en salle avec l’intention d’assister à un film de procès classique risquent d’être déçus (ou à tout le moins déroutés), car contrairement à ce que l’affiche et le synopsis de Love and Trial laissent supposer, le procès en question n’a lieu qu’après la première moitié du film et n’est clairement pas au centre du scénario de Kōji Fukada.


Ce qui intéresse avant tout le réalisateur, c’est le parcours initiatique de son quintuor d’héroïnes, et tout particulièrement de la jeune Mai, à travers une exploration du milieu si particulier de la J-pop, et des ténèbres dissimulées derrière son vernis scintillant : univers musical niais et formaté au possible, fabriqué à la chaîne selon les goûts supposés d’un public essentiellement masculin et âgé ; merchandising outrancier et agressif ; jeunes filles transformées en starlettes éphémères et soumises à des diktats de pureté morale absurdes au nom de la logique pécuniaire… en bref, une certaine idée poussée à l’extrême de l’art récupéré et dévoyé par le capitalisme, qui ne manquera pas de rappeler au public occidental le phénomène des enfants stars chez Disney. Un univers exigeant et carcéral auquel Mai souscrit dans un premier temps sans réserve, elle qui rêve depuis l’enfance de devenir une idol, avant que ses retrouvailles et son idylle naissante avec un ancien camarade de classe devenu artiste de rue ne vienne bouleverser en profondeur sa vision des choses. Alors que son contrat lui interdit formellement toute relation amoureuse ou sexuelle dans le but de préserver auprès du public son image de pureté virginale, la jeune fille décide d’assumer envers et contre tout ses sentiments, quitte à en affronter les conséquences.


Dérives du star-system, omniprésence des réseaux sociaux, fanatisme mortifère, difficulté à vivre de sa ion, marchandisation toujours plus poussée des liens humains les plus fondamentaux… autant de thématiques furieusement contemporaines abordées par le réalisateur au sein d’un récit certes ample et étiré dans le temps, mais au rythme impeccable, aucune séquence ne donnant l’impression d’aller trop vite ou, à contrario, de durer trop longtemps. Cinéaste naturaliste, Fukada adopte une mise en scène épurée et sans fioritures, s’attachant avant tout à saisir la réalité des instants simples du quotidien. Un minimalisme qui ne l’empêche pas de délivrer de jolis instants poétiques avec la romance de ses deux tourtereaux, que ce soit en les réunissant à l’image alors même que leur environnement s’obstine à les séparer (une route, un grillage…), ou encore en faisant d’un tour de magie une parenthèse enchantée.


On appréciera également un regard beaucoup plus honnête que la moyenne, à rebours de tout manichéisme, sur les difficultés de la vie et les sacrifices nécessaires à nos convictions.

7
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Little John

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