Il est de coutume de critiquer les palmarès cannois, et moi-même je ne m'en prive pas, mais je dois dire que cette année le jury a fait particulièrement fort en laissant Cristian Mungiu repartir bredouille.
En effet il aurait pu recevoir à peu près n'importe quel prix. Allez, au choix celui du scénario, mais ils ont préféré honorer un Östlund. Sans parler des prix d'interprétation car tout le casting est parfait.
Tout ça pour dire que "R.M.N." est un grand film, cruel, méchant mais surtout d'une lucidité qui fait froid dans le dos. Tout le monde en prend pour son grade, mais sans le moindre cynisme, Mungiu dressant un constat tout simplement factuel sur l'état de nos sociétés. Mais attention il ne faut pas se méprendre, ce "RMN" n'est pas qu'une œuvre à sujet, il y a l'enrobage qui sait déstabiliser, avec par exemple un thème musical qui surprend car légèrement identifié et une fin qu'on pourra trouver saugrenue alors qu'elle dit tout de ce qui a été déployé en 125 minutes.
Je l'ai vue il y a bientôt un mois et la scène de la réunion publique me trotte dans la tête en permanence, car elle dit plus en une quinzaine de minutes que tous les grands analystes politiques de chez nous en quinze ans. Mais attention, quand je dis que personne n'est épargné, cela veut aussi dire qu'il faut s'attendre à se regarder dans le miroir, et accepter de ne pas recevoir un reflet très brillant.
Quand vous aurez vu le film n'hésitez pas à taper Callac migrants dans votre moteur de recherche, vous verrez que bien souvent la réalité ret la fiction. Et bien souvent pour le pire...
Édit au 20/10/2022 : J'ai revu ce grand film hier et comme je m'en doutais il mérite encore plus que le statut de grand film. Il est immense, quasi monstrueux, d'où l'intérêt de le revoir pour en saisir toutes les finesses, toutes les strates. Et je dois le dire je voulais aussi le revoir pour une scène bien précise, celle que seule un génie de la mise en scène peut produire, et même imaginer : cette réunion publique vertigineuse dans ce qu'elle raconte mais aussi dans sa forme, redonnant ses lettres de noblesse au plan séquence, employé dorénavant dans tous les sens, et justement bien souvent sans qu'il n'ait le moindre sens.
Et puis j'avais oublié dans ma critique initiale de parler d'une chose très importante : "R.M.N." est entre autres une œuvre sur les femmes, qui ici ont le pouvoir, y compris intellectuellement face à des hommes pour la plupart couards, lâches, parfois guidés par leurs pulsions et leurs hormones tels de jeunes garçons en pleine puberté.