Déclinaison grand public de la subversion morale et esthétique chère au cinéma de John Waters, Serial Mom réjouit une heure et demi durant par sa satire mordante de l’american way of life où tous les coups sont permis. La douceur du récit augmentée par l’élégance de la mise en scène constitue autant de trompe-l’œil, minés par le cinéaste de façon à restituer le bouillonnement intérieur des braves gens vivant dans les banlieues pavillonnaires huppées, le travail des pulsions que sont censées canaliser les revues cochonnes et les cassettes horrifiques diffusées en masse. Le film parcourt les différents espaces de la sociabilité bourgeoise, des intérieurs riches en papiers peints surchargés aux bancs de l’église, sans oublier le lycée où sont scolarisés les braves petits enfants et la salle des fêtes reconvertie en brocante de luxe.
Le désordre naît, pour le spectateur, à la fois de l’itinéraire de la tueuse en série, jalonné de références amusantes aux classiques du genre – les véhicules rappellent ceux de Freddy Kruger ou de Michael Myers – mais également, et peut-être plus encore, du sentiment d’impunité qui plane sur elle, comme si le long métrage cautionnait voire encourageait de telles exactions. En cela, John Waters cible notre fascination pour la criminalité extraordinaire au sein d’un cadre ordinaire, gratte l’hypocrisie comme un vernis social dénaturant ; il trouve en Kathleen Turner l’interprète idéale, variation offerte à son personnage dans The War of The Roses de Danny DeVito (1989). La musique de Basil Poledouris contribue enfin à cette douceur ironique, compose un thème principal aérien que retranscrit un générique optant pour un fond bleu et des titres blancs dans une police de nuages. Une réussite malicieuse.