Nouveau film de Ryan Coogler qui - après avoir fait ses classes dans les arènes respectables du cinéma à licence (Creed, Black Panther) - revient sur ses terres avec un projet viscéral, moite, habité. Quatre ans après Wakanda Forever, blockbuster endeuillé qu’il aura porté autant qu’il aura subi, Coogler revient à quelque chose de plus personnel (il écrit, produit et réalise le film) de plus intime. Une volonté d’affirmation et d’affiliation - le film est dédié à son oncle James, originaire du Mississippi et grand fan de blues. Il convoque donc les fantômes de la mémoire, de la musique, de la transmission, le tout dans un projet à la croisée des genres, à la fois solide, mais fragile. Une fable décoloniale déguisée en cauchemar sensuel, parfois même mystique. Une plongée lente, humide, poisseuse, où la menace devient système d’assimilation, et où la musique, le blues, se transforme en champ de bataille culturelle. Bref, un projet très ambitieux et assez dense, malgré son apparente simplicité.
Et c’est là que je dois vous prévenir : on va pas juste faire de la critique mais de l’analyse, donc si vous ne l’avez pas vu et que vous voulez garder des surprises, vaut peut-être mieux revenir quand vous l’aurez vu.
Cela étant posé, apparente simplicité disais-je, parce que oui, l’histoire est presque simple. 1932, Clarksdale, Mississippi. Deux frères jumeaux, Elijah "Smoke" et Elias "Stack" Moor (Michael B. Jordan, assez mortel dans un double rôle en miroir), reviennent ouvrir un juke t dans leur ville natale. Un lieu pour danser, jouer, exister. Mais le Sud est encore hanté, et l’enjeu de cette journée et de cette nuit, c’est de faire danser les vivants sans réveiller les morts ; chose difficile lorsqu’on parle du blues. D’autant plus quand les morts, ici, ne sont pas seulement des souvenirs, d’anciennes relations amoureuses, conflictuelles, hantées - mais des vampires. Littéralement.
Mais le truc super, c’est que Sinners ne se contente pas d’un mythe rebattu. Coogler ne veut pas juste rejouer l’opposition entre vivants et morts, Noirs et Blancs, dominés et prédateurs. Bien sûr, c’est inévitablement présent quand même. Mais là où ça devient dense, c’est ce qu’il construit, c’est ce qu’il convoque : un système. Une machine à assimiler. Les vampires ne mordent pas simplement pour se nourrir : ils absorbent et se partagent les souvenirs. Ils digèrent les identités. Ils créent un collectif où tout se fond, où plus rien ne résiste. Un melting-pot carnassier....
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Suite de notre critique sur notre blog, ici :
https://lesgloutonsducinema.blogspot.com/2025/06/critique-sinners-2025-ryan-coogler.html