Dans Sous le soleil de Satan, rien ne semble tenir. Ni la caméra, qui flotte sans point de vue, ni les dialogues, qui tombent à plat comme des dogmes sans croyants. Les visages sont fermés, les personnages figés, comme s’ils jouaient à être là. Ici, Pialat ne filme pas des êtres, il juxtapose des scènes. Des scènes entamées mais jamais incarnées, des gestes amorcés puis dérobés.
Et bien sûr que ça rebute. On en sort comme vidé. Comme si le film, au lieu de parler, m’avait crié dessus sans articuler. Ce n’est pas du cinéma de la percussion, c’est du cinéma de la crispation. Ça ne frappe pas : ça pèse. Ça ne dérange pas : ça plombe.
Et puis il y a Donissan. Ou plutôt cette ombre d’homme que Depardieu est. Il est éteint. Une présence dépressive, plombée, une statue de souf déplacée de scène en scène. Il ne prie pas, il rumine. Il ne doute pas, il délire. Sa foi n’est pas une force : c’est une contamination. Et Pialat filme ce délire au premier degré. L’épisode du cheval ? Ni symbolique, ni terrifiant : juste absurde, long, presque grotesque.
Rien n’est donné : ni rythme, ni souffle, ni beauté. Même l’épure est refusée, car elle supposerait une intention. Ici, on dirait que chaque plan est filmé malgré lui. Comme si Pialat, dans son ascèse, refusait jusqu’au cinéma.
Il y a dans ce film une volonté d’épuisement, oui mais pas pour ouvrir, pour écraser. Un goût du supplice, sans contrepartie. Un cinéma qui ne croit plus en rien, mais qui continue à prêcher. Une austérité qui ne féconde rien, qui n’engendre que la lassitude.
Pialat ne me demande pas d’aimer, c’est entendu. Mais il ne propose rien non plus à la place. Pas même un regard.