Il est paradoxal, sinon dommageable, qu’un film se proposant de faire le biopic de la complexité humaine soit incapable de la moindre nuance, écartelé entre deux pôles inconciliables et pourtant conciliés (« victime et bourreau », comme l’indique le panneau de clausule) qu’il traite séparément. L’esthétique du mouvement permanent justifiée par le jazz échoue sur deux plans : celui de l’improvisation, tant l’artificialité de l’interprétation et de la reconstitution empêche tout sentiment d’authenticité, et celui de l’harmonie maintenue en dépit du chaos des portées individuelles. Les fondus au noir, les ellipses par l’intermédiaire de dates, le changement de costume depuis le bleu de travail jusqu’à la tenue de soirée, composent un patchwork de la Shoah des plus désagréables, que traverse la ravissante Paula Beer sans disposer du temps nécessaire pour incarner l’ambiguïté de son personnage. Tantôt traquée en raison de sa confession religieuse, tantôt engagée dans les rafles, croqueuse d’hommes malgré elle, elle n’est que rarement vénéneuse ; son portrait devient moins celui de la survie coûte que coûte que le portrait d’un manichéisme qui foudroie les enjeux sensibles à la lumière d’une lecture simpliste et rétrospective de l’Histoire. Quant à la mise en scène, elle ine vite par ses effets de recadrages systématiques conférant à l’ensemble des aspects de faux document (au mieux) ou d’amateurisme maquillé (au pire).