Comment le cinéma vient à un petit garçon, comment des étincelles d'abord éparses (dans les yeux d'une mère, dans une guirlande de noël, dans l'apparition fantastique d'un grand-oncle un peu fêlé, dans le jaillissement d'une idée lumineuse qui consiste à percer d'une aiguille un mince ruban de pellicule super-8 pour figurer des coups de feu) peu à peu se rejoignent en une évidence impérieuse : Sam sera réalisateur.
Sam c'est le prénom hébraïque de Spielberg, hérité du père de son père. The Fabelmans parle de vocation, mais aussi de transmission (à sa manière totalement dénuée de pédantisme, presque timidement, Spielberg inscrit son personnage et sa famille dans 5000 années de culture juive).
Et c'est par touches délicates qu'il pose sur la pellicule la fragilité de Mitzi (incroyable Michelle Williams), mère de Sam, peut-être prénommée ainsi en hommage à la ravissante Mitzi Gaynor, et la douce résignation de Burt, son père.
Arnold Spielberg, père de Steven, est décédé deux ans avant la sortie du film, et Leah, sa mère, cinq ans avant. Ainsi le cinéaste a non seulement attendu d'avoir le recul et l'étoffe nécessaires pour oser se dévoiler, mais il a fait le choix de ne pas gêner ou peiner celui qui l'a aidé à bricoler son premier film et celle qui lui a transmis son grain de folie.
Le regard posé sur ce tableau familial et intime est celui d'un enfant puis d'un adolescent, ce qui donne au film cette magie à la fois naïve et juste et qui nous épargne une vision psychologisante ou pourvoyeuse de leçons.
Certes Spielberg est un conteur qui a su garder son œil d'enfant, mais l'enfant en question est d'une remarquable intelligence. C'est ainsi que ce virtuose nous montre l'œil du cinéaste en train d'éclore et qu'il nous fait, une fois de plus, un cadeau inestimable.