Adapter n'est pas jouer

On se demande parfois ce qui peut bien se er dans la tête des exécutifs de studios. On comprend la logique de Sony de se lancer dans les adaptations de ses licences vidéoludiques les plus lucratives sur petits et grands écrans via sa société Playstation Productions, pour le meilleur (The Last of Us, Gran Turismo) comme pour le pire (Uncharted), mais il est plus difficile de s’expliquer le choix d’adapter Until Dawn.


Le soft de Supermassive Games était lui-même une proposition de film interactif qui versait volontairement dans les clichés les plus ridicules pour se concentrer sur la proposition d’un arbre de choix assez fourni, nous permettant ainsi de faire crever à notre guise les personnages que l’on n'arrivait plus à er. Ce sera d’ailleurs la marque de fabrique du studio, dont les jeux suivants (la série des Dark Pictures et The Quarry) qui reproduisent la formule dans les différents sous-genre de l’horreur et n’arrivent jamais à recréer le petit miracle de l’original de 2015. On est donc en droit de s’interroger sur un quelconque intérêt de l’adaptation d’une écriture au mieux médiocre à laquelle on aurait retiré l’agentivité du joueur.


Et au vu de l’abyssale nullité de deux des gros blockbusters horrifiques de ce premier semestre 2025 qu’étaient Drop, cette scène de prologue n’a rien fait pour me rassurer. Celle-ci souffre de ce syndrome trop courant de l’introduction censée nous mettre dans le bain avant l’écran titre, mais dont l’affligeante banalité nous fait lâcher un soupir d’exaspération et présage du pire pour la suite. Quand ton effet d’annonce fait plouf, on peut légitimement s’attendre à une lente descente dans l’ennui d’un produit qui a déjà montré ce qu’il avait à priori de plus frappant.


Heureusement, Until Dawn fait exception puisqu’il se révèle in fine pas mauvais. Non pas qu’il fera date, ou même qu’il soit bon. Mais en cette période de vache maigre, voir un film d’horreur de ce pedigree un minimum réfléchi et qui ne prend pas son public pour un demeuré, tout en s’avérant assez divertissant sur la durée, ça réconforte un peu. Car le film de David F. Sandberg répond à mes interrogations susdites en inversant la vapeur. Il applique ainsi une logique de jeux vidéo à une adaptation d’un jeu qui se voulait lui-même cinématographique, expédiant par la même occasion les potentiels raccords aux concepts de boucles temporelles à la Groundhog Day, donnant un sens à cette idée par une exploration conceptuelle qui empêche au serpent de se mordre la queue. Mieux encore, ses personnages s’éloignent des clichés à escient du jeu original pour en proposer des versions un poil plus crédibles, et que l’on a pas forcément envie de voir crever au bout de cinq minutes. Nuançons tout de même, on n’échappera pas à certains poncifs, et le personnage issu de Peter Stormare issu du jeu est en totale roue libre. Mais ils sont ables, et possèdent un semblant de fond suffisant pour créer des enjeux à ce jeu de massacre. Et en plus, tout cela se fait au premier degré, sans cet humour désamorceur qui vient parasiter les productions commerciales depuis une bonne quinzaine d'années.


Bon, tout cela fait beaucoup de périphrases pour simplement dire que le film est médiocre, mais qu’au vu des standards actuels du genre, ça fait du bien. Until Dawn n’échappe pas à cette dilution de la tension par la surenchère, se composant d’un melting pot sous influence (de Silent Hill aux creepypastas qui peuplent les internets, en ant par les monstres du jeu initial et autres figures typiques de l’horreur) dont on tente de justifier l’aspect fourre-tout dans le récit, sans que cela n’enlève à la sensation d’être embarqué dans un train fantôme un peu neuneu sans grande cohérence thématique, plutôt que dans une véritable épreuve horrifique.


Teen-movie horrifique oubliable mais pas désagréable, Until Dawn aura pour principal mérite d’avoir su broder astucieusement autour des affres qu’une telle adaptation présupposait.


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le 26 mai 2025

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Frakkazak

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